Celui qui travaille avec ses mains est un ouvrier, celui qui travaille avec ses mains et sa tête est un artisan, celui qui travaille avec ses mains, sa tête et son cœur est un artiste.”  Saint François d’Assise

Les clichés, j’en parlais dans un précédent papier. Je n’ai rien contre, et puis, je suis d’avis qu’il faut se montrer bon client de temps à autre.  Le risque de passer à côté de belles choses (culture, histoire, connaissance générale) serait trop grand. Mais parfois j’aime assez disparaître dans la masse…

J’ai enfilé mes gants, mon blouson qui résiste à tout, d’épaisses chaussettes, mes Dr Martens qui sont en fin de parcours (je suis la seule en avril à m’habiller comme un oignon, mais je caille ma race et je suis grippée), Zaz à fond dans les écouteurs, et je vais à la rencontre des Parisiens !

J’ai marché toute la journée, du palais des congrès aux Tuileries, puis à nouveau vers l’arc de triomphe où j’ai rendez-vous avec Joey.  Joey est un photographe mauricien installé à Paris depuis quelques décennies; je l’ai rencontré il y a deux ans exactement, alors que j’étais chargée de comm. en mission pour le RIKF à Paris. Puis, nous nous sommes revus à Rodrigues à deux reprises et nous avons une amitié que je qualifierai d’instructive! Joey est un vieux de la vieille, il connaît toutes les astuces de photographe et il me file des tuyaux précieux. C’est un habitué des soirées mondaines. Il connaît tout le monde et a ses entrées dans les boîtes de comm. les plus en vue de Paname. On peut dire qu’il n’a pas chômé, sa réputation bien assise lui ouvre bien des portes et il l’a construite à coup de clics. Nous nous racontons un peu nos vies en laissant derrière nous la foule bruyante des Champs-Elysées en nous dirigeant vers un pub anglais a quelques mètres de Ladurée. Charles nous rejoint pour quelques bières…

Joey et Charles

Charles est mon pote journaliste-cameraman guadeloupéen-français. Je n’ai aucune idée de l’âge qu’il a, mais il a une énergie à toute épreuve, un passeport rempli à ras bord, un répertoire aussi fourni que les rayons de chocolats en période de Pâques, et une somme de connaissance qui me semble inégalable. Quand Charles est de bonne humeur, il fait des grimaces, paie sa tournée, et fait preuve d’un humour décapant. Charles est souvent de bonne humeur, je l’admire pour ça aussi! Ce soir, je sors !

Jerry Léonide, est… était un gosse du RCPL qui se refuse aux filières classiques de médecine, loi et autres ingénieries; lui, c’est la musique sa passion! C’est un pianiste de jazz d’exception que j’ai interviewé il y a quelques années pour un hebdomadaire! J’ai un faible pour les clubs de jazz depuis que je suis allée au Ronnie Scott à Londres, mais le Sunside n’a rien à lui envier, et mon compatriote rayonne! Plus que jouer, il s’éclate ! On se croirait à la Nouvelle-Orléans, du moins c’est l’idée que je m’en fais. Le band est plus qu’au point!

Et la salle de taille modeste au sous-sol, carrelée façon métro parisien, réunit à peine une soixantaine de spectateurs, mais aucun d’eux n’est là par hasard. Le doyen du groupe fait déclamer sa guitare, le beau-gosse au saxo fait l’unanimité, ici il n’y a que des initiés. J’ai été invitée par Jerry, et j’ai invité Charles. Ce dernier me confie qu’il a l’impression d’être dans un film, et moi je n’en pense pas moins. Fin du premier set, les artistes sortent de scène, j’en profite pour harponner le pianiste au passage, c’est maintenant qu’on se rencontre pour de vrai, car notre première rencontre dans le cadre de l’interview s’est faite sur Skype! Oui, parfois les choses simples sont compliquées ! Je suis heureuse de cette rencontre, j’ai l’impression d’avoir bouclé une boucle. Je n’aime pas interviewer les gens par écrans interposés, c’est aussi bizarre que froid. Le deuxième set commence: Jerry fait déblatérer son clavier! Je savais qu’il était bon pour avoir vu quelques vidéos, mais je reste scotchée ! L’homme est habité, incontrôlable, il a l’air de vivre chaque note, de les chanter une à une, et ça va tellement vite que mon cerveau engourdi à la cervoise ne peut plus suivre; et quand son pote bassiste est à l’œuvre, il est aussi hypnotisant! Punaise, j’en ai vu des shows, mais celui-là est indiscutablement délicieux et délirant. Que la musique soit et le jazz fut ! Dans la salle, Charles reconnaît Alain Jean-Marie!

Dimanche 9 avril 2017

Je suis invitée par Charles au Square du Vert-Galant (Henri IV) à un pique-nique en l’honneur de l’anniversaire de Ko Kok (photographe), qui y réunit ses hôtes. Le pied central du Pont Neuf y prend appui, et ce n’est qu’en fouinant un peu qu’on peut trouver les marches qui y mènent. Aujourd’hui, le soleil cogne, la fête, timide au début, s’encanaille à mesure que l’alcool s’infiltre dans les systèmes ! Beaucoup de mannequins (Ukrainiennes, Brésiliennes, Mexicaines), de photographes et, cerise sur le gâteau: l’arrivée d’Igor Bogdanoff qui me fait l’honneur de poser avec moi (profitez-en… je ne vais pas republier de photo de moi de sitôt ). Le BYO fonctionne bien!

Photo par Joey Niclès

Les visiteurs sur les Bateaux-Mouches ou les vedettes de Paris font coucou aux pique-niqueurs, les guitaristes ont rejoint le saxophoniste, les photographes s’en donnent à cœur joie, l’ambiance est cool! Le très irrévérencieux Fok Kan, photographe people très respecté par la profession, Katia Sanz la créatrice de vêtements en cuir, et Priska une jeune avocate jet-setteuse d’origine mauricienne et indiscutablement sympathique, sont aussi de la fête! Joey me présente à un tas de monde… tellement que j’en perds le compte. Quand le soleil se retire, et qu’il fait froid à nouveau, je repars avec pleins de nouveaux potes… Quelle super journée!

Alors voilà: Perry Ah Why (que j’ai rencontré à Maurice dans le cadre d’une interview) et moi avons rendez-vous à sa boutique-atelier. Magnifique cocon de matières nobles, de plumes, de paillettes, des mannequins à l’ancienne, des fauteuils qui invitent les visiteurs à se poser, murs recouverts de miroirs à la fois anciens et si contemporains… Dès notre première rencontre, nous avons bien accroché, il est tellement plus agréable de rencontrer quelqu’un sur son lieu de travail plutôt qu’à 10 000 km de là où il s’exprime véritablement. Égal à lui-même, il évolue avec aise dans son environnement, l’enfant de Pointe-aux-Sables est maître des lieux!

Les robes de mariées (qu’il appelle ses prototypes) sont pendues entre une belle armoire à l’ancienne où il cache ses trésors, et des étagères où les bocaux de confitures sont remplis de paillettes! Le mannequin en vitrine porte une robe spectaculaire, fendue, aérienne, un rêve pour futures mariées! Derrière cette première merveille, un bustier dont la méthode de fabrication demeure mystérieuse tant le travail semble énorme, et pourtant, à le regarder, il n’est que fleurs et légèreté ! Résolument moderne, et pourtant indiscutablement romantique, la boutique appartient totalement au quartier bobo où Perry s’est installé; à la limite on pourrait penser qu’il a toujours été là!

Perry et moi faisons quelques pas pour rejoindre un resto où nous refaisons le monde à l’aide de champagne et de bon plats. Nous nous éternisons… il faut dire que le monde est un vrai chantier! Une dizaine d’au revoir plus tard, nous nous séparons persuadés que nos idées sont indubitablement infaillibles. A moi le poste de présidente de la République!

11 Avril 2017

Je m’offre une terrasse à la place du Tertre chez la Mère Catherine. Au menu: magret de canard (rosé) et un verre de graves! J’ai une grippe carabinée depuis dimanche, j’espère vraiment que ça va s’arranger, puisque demain je vais bosser à St Malo ! Ma voisine de table québécoise – fort sympathique au demeurant – est venue spécialement pour le marathon de Paris qui s’est tenu dimanche dernier. Ensemble, on rigole un peu avant que je ne reprenne la route pour interviewer Katia Sanz la créatrice de vêtements en cuir, et sur la route, qu’est-ce que je vois? Un resto mauricien! Je joue aux voyeurs en regardant par la vitrine. Pour être honnête, il n’a de mauricien que le nom! Poussant la curiosité un peu plus loin (mon radar me fait rarement défaut), je vois des ‘Phoenix’ dans le réfrigérateur… C’est plié, je m’arrête, grippe ou pas, une ‘Phoenix’ ne peut pas me faire de mal! Et puis j’ai bien 3/4 d’heure d’avance à mon rendez-vous! C’est impressionnant de voir le nombre de gens qui du trottoir s’exclament : « Tiens, ils vendent des ‘Phoenix’ ici! » Je crois que la loi contre la publicité des boissons alcoolisées devrait sérieusement être revue puisque visiblement, les touristes en gardent de bons souvenirs… (oui dans une autre vie, et pendant trois années de totale inconscience, j’ai bossé dans une boite de pub!)

Katia Sanz est d’une grande modestie. Quand j’évoque son carnet d’adresses que je sais bien fourni, c’est une vraie tombe! Dans son atelier, où s’entassent des dizaines de pièces en cours de confection, elle se souvient de ses années chez un fabricant qui fournissait Chanel, Balenciaga, ou encore Paco Rabanne; elle y a appris l’amour du travail bien fait et l’attention aux détails. C’est en ce temps-là que l’envie de sortir sa propre marque lui est venue. Elle travaille sur mesure, pour des pièces classiques, sexy ou rock… suffit de demander. Agneau et python sont ses matières phares; elle en fait des perfectos, pantalons, bustiers, et quand la fantaisie lui prend, elle va jusque confectionner une sur-chemise en cuir d’autruche. Chez elle on ne fait pas semblant, qualité du produit et satisfaction des clients sont les maitres mots; mais, confort et souplesse sont des termes qui reviennent souvent lors de notre court entretien! Parmi ses projets, celui de faire évoluer sa marque Made in France pour accéder au marché international, tient une place importante. Elle pense déjà aux sacs et aux chaussures, gants et chapeaux et pourquoi pas rigole-t-elle un magasin à Maurice. Mais si Madame a plus de 25 ans dans le métier du cuir de luxe, la marque Katia Sanz, encore jeune, gagne à être connue; elle a cette envie de satisfaire ses clients, de partager son art, de travailler dans le plaisir, avec un contrôle total de la chaîne. En travaillant seule, son envie d’évolution la pousse cependant à la recherche d’investisseurs.

Elle travaille également sur un projet d’association qui permettrait aux jeunes autrement capables de passer par-delà leurs handicaps: « Il faudrait ne pas se laisser avoir par le regard des autres, et lever les barrières les unes après les autres; tomber et se relever à plusieurs reprises fait partie d’un jeu, jusqu’à pouvoir marcher seul! » soutient-elle…

Des rencontres, j’en fais à tous les coins de rues, pas toutes très agréables, mais dans la plupart des cas, je ne regrette pas d’adresser la parole à des inconnus. Pour rencontrer des artistes, une adresse incontournable, 59, Rue Rivoli… Je vous passe le relais, à vous de les découvrir, et si le coeur vous en dit, de venir nous le raconter en commentaire ici-même! 🙂