Amsterdam a cela d’extraordinaire : contrairement à Paris ou Londres où l’on trouve des vieux quartiers et des tous neufs, ou par contraste avec New York où le vieux répond constamment au moderne, Amsterdam tout entier est vieux, pas décrépi, juste vieux!
Belles façades, jolis monuments! Places gelées où les touristes s’agglutinent, sac en bandoulière, appareil photo au poing, pluie glaciale occasionnant la sortie d’innombrables parapluies, à croire que les amstellodamois ne sortent jamais sans! Nous sommes pourtant à une semaine de l’été, le marché aux fleurs grouille de curieux, mais le froid persiste!
Ici les hommes d’affaires font la conversation en costumes de marque, juchés sur des vélos, tout comme ce père de famille, qui tente, semble-t-il, de raconter une histoire à son fils, confortablement installé dans une nacelle à l’avant de son vélo! Presque tous les cyclistes, et Dieu sait s’il y en a, ont modifié leur deux-roues! Paniers pour certains, porte-bagage reconverti en siège passager pour d’autres, le défilé d’invention, de customisation, voire de traits de génies est perpétuel! Les grand-mères vont à la gym sur leur engin, les jeunes étudiantes ont bombé les leurs de jaune criard ou de rose! J’ai même vu quelques bécanes où filaient des lianes fleuries synthétiques! Évidemment les flics sont eux aussi à vélo! Je ne sais pas ce qui m’a pris de m’asseoir à une table en terrasse, car malgré le chauffage extérieur et le soleil qui réclame ses droits, j’ai du m’acheter un foulard et des gants! Le déjeuner : un croque-monsieur et une bière bien honnêtes, va être rapide, je le sens! Mais ça me donne l’occasion d’inspecter à mon aise la foule de gens qui se presse à la Damstraat Centrum!
Des bottes, mon Dieu qu’elles sont belles! A talons, plates, noires, colorées, lacées, zippées, matelassées, fourrées, elles s’arrêtent à la cheville, au genou, au-dessus, tiens… Celles-là vont certainement bosser au Red Light district! Mais peu importe, ici, tout le monde se fiche pas mal d’où vous venez ou de ce que vous faites! Pour preuve, personne ne vous dévisage, que vous soyez un homme à cheveux longs avec une crête, une femme à bonnet pailleté, ou toute de jaune vêtue, du foulard aux bottes! Après tout, nous sommes pour certains dans la ville de la tolérance et pour d’autres dans la ville de la perversion! Et pourtant, on ne le dirait pas!
Assise à la terrasse de mon bistro au coin de Nes et Damstraat, au pied du monument national, je suis à peine à deux rues du Red light district! Le café Lwart qui selon l’écriteau date de 1927 ne ment pas. Easy to find, hard to leave! Sûrement à cause du chauffage extérieur, ou p’tet parce que c’est un endroit idéal pour l’observation de la faune et de la flore amstellodamoise! Il semblerait que, comme c’est le cas à las Ramblas de Barcelone ou à la fontaine de Trevis romaine, on peut ici voir et entendre les gens de toutes les origines. Et si vous en doutez, voici un petit échantillon : grand roux rasta au volant d’un rikshaw droit devant, un couple d’apparence chinoise a pris d’assaut un sabot jaune vif géant à 1 heure, à ma droite on parle français, très vite je réalise qu’ils râlent, ça doit être des Français! À ma gauche ça papote dur, pleins de paroles en ‘ski’ et en ‘vlof’, sûrement des Polonais, en tout cas ils viennent d’un pays de l’Europe de l’est! Et au milieu, moi qui ressemble à une indienne à s’y méprendre, pense en créole, mais écris en Français, c’est sûrement parce que je suis Mauricienne et que je me gèle les couilles que je n’ai pas !
À Amsterdam, tout le monde mange des frites, on en vend à tous les coins de rues, comme les boulettes à Port-Louis, on vend des sabots dans tous les magasins de souvenirs, mais je n’ai vu personne en porter, les Amstellodamois aiment leurs chiens, ils les promènent toute la journée, j’en croise partout ! L’horloge du Palais Royal retarde de quatre minutes, à vrai dire l’heure est juste, mais la sonnerie ne correspond pas au quart qu’il est supposé marquer! C’est marrant! Mais un peu triste quand même, qu’au centre d’Amsterdam, ils ne sont pas foutus de régler ce vestige d’un autre temps! Tiens le bruit de sabots, pas de paysanne hollandaise mais de chevaux! Ils s’arrêtent pour laisser passer des piétons, ils sont courtois ces Amstellodamois!
En fait les seuls véhicules qui semblent échapper à toutes les lois sont les bicyclettes! Puisque la loi c’est eux! Allez ma fille, lève-toi et marche, ce soleil-là ne te réchauffera pas! Et ce n’est pas une fois gelée que tu apprécieras la visite du Musée Van Gogh!
Bon voilà où nous en sommes : le Rijksmuseum c’est cuit! La file fait trois kilomètres… De trop! Je suis patiente, mais je suis seule! Qu’est-ce que je vais m’emmerder à attendre tout ce temps? Let’s go pour le musée Van Gogh! Billet acheté, prochaine visite 13 heures, bref, ça revient au même! J’ai une heure à tuer, petit repérage des lieux, rien à faire à part la queue! Je repère deux jeunettes et je m’adresse à elles (laborieusement) en anglais, tout le monde parle plus ou moins anglais ici! Je comprends vite à leur difficulté de s’exprimer et à leur accent à découper à la scie sauteuse qu’elles sont françaises! Alléluia, au moins j’aurais l’air moins ridicule! La première m’explique ce qui se passe avec les files interminables, la seconde me fixe et me dit :
– Hé, mais vous êtes Mauricienne vous!
– Je comprends pas à quoi ça se voit!
– Mais c’est à votre accent!!! Je le sais parce que ma mère est Mauricienne aussi !
– Ahhhhhhh! Suis-je bête? Je suis aussi chantante qu’une jamaïcaine et je parle français, même si loin de moi l’intention de tromper quelqu’un, je me suis bien fait repérer sur ce coup-là!
Voilà… Tous mes espoirs de carrière dans l’espionnage ont fini dans le canal de la rivière Amstel (ou la bière tiens)! Me voilà donc parée pour une attente de 45 minutes, je m’assieds sur un banc glacial, en métal, en face du jardin de la museumpromenade! Il semblerait que le froid soit une condition sine qua none à toute sortie hollandaise! Pourtant il y a dix minutes encore le soleil se battait pour percer les nuages! I AMsterdam, en lettres géantes le slogan se découpe en rouge et blanc sur le vieux bâtiment du Rijksmuseum! Il est pris d’assaut par les touristes en sweater! Les pigeons ont l’air d’être bien nourris par ici! Je n’en ai jamais vu d’aussi gros!
Une visite à Amsterdam ne serait pas complète sans faire un tour le soir dans le Red Light district! Vous souvenez vous de Woody Woodpecker? Il y en avait plein dans les vitrines où des jeunes filles à la plastique parfaite cherchaient à attirer le regard des passants. Comme si c’était nécessaire, de leurs ongles manucurés, elles frappaient les vitres où elles étaient exposées ! Et de l’index font le signe international de ‘approche un peu pour voir’! Je ne saisis pas tout! Pourquoi s’humilier de la sorte au quotidien, dans des lieux publics, où même les pavés se font la malle? Ok, l’ambiance n’est pas glauque, mais il y a des signes qui ne trompent pas… Je crois que je me gave trop de télévision (oui, je suis une fan de Cal Lightman), entre deux ‘toc-toc’ et deux déhanchements, je devine une micro-expression, comme un air las, une envie de fuite. Une seconde avant que le show ne reprenne, le rire strident d’une jeune passante fait basculer l’espace d’un battement de cil l’humeur de la fille de joie, devenue fille vendue! Bon, je mentirais en disant que le lieu est triste, les rires fusent de partout, les curieux se bousculent presque, en couple, entre amis… Au passage on entend : « Ok you saw one, now remember where she is »; ça force le sourire!
Qu’en est-il des Coffee shops, sans mentir, ça doit être le truc qui récolte le plus de succès! Où que l’on soit, peu importe l’heure du jour ou de la nuit, on sent le gazon brûlé. Franchement pas besoin d’aller s’enterrer dans un des coupe-gorge pour s’en rendre compte, les gens viennent là pour la beu, la Marie Jeanne, weeds rule! Un peu de culture : la raison pour laquelle la drogue est interdite est simple! La drogue rend non seulement dépendant, mais aussi stupide, littéralement, elle détruit les cellules du cerveau, pour rétablir une balance je dirais, et ça n’engage que moi, que certains intelligents devraient s’y mettre, ils se prendraient moins au sérieux! Un ami avisé m’a dit : » la connaissance est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale! » Je ne sais pas pourquoi j’y pense là tout de suite! Bref pour en revenir au gandja, et son odeur âcre, je pense que je vais m’offrir une petite incursion dans l’underworld, ainsi j’aurai l’air moins con en en parlant, mais pas dans la réalité!
Hier, je suis retourné au café Lwart, où j’ai rencontré Bob. Un gars sympa de San Francisco qui a une agence de conseil, un truc très, très sérieux! Il n’a jamais entendu parler de Maurice! Apparemment, tout le monde connaît le dodo, mais personne n’a jamais entendu parler d’un pays which is called MAURITIUS! Pfff. Après quoi, je me suis retrouvée à une expo sur la vie de Van Gogh (non-non il ne s’agit pas du musée mais d’une autre expo)! Passionnant! Je crois que je suis un peu amoureuse de lui! Pas de sa folie, mais de son œuvre, ou peut-être un peu des deux. J’en ai vu à Londres, à New York, et j’ai l’impression de traquer l’artiste! Saviez-vous que Van Gogh à l’origine n’était pas si doué que ça? Qu’il s’est battu pour passer à la postérité? Que de sa folie sont nées des œuvres magnifiques? Qu’en fait il n’était pas fou, mais malade? Je le trouve passionnant! Et je ne peux m’empêcher de fredonner ‘Starry, starry night’ à chaque fois que je croise un de ses tableaux tourbillonnant, à l’image de sa vie! Il a vécu pour son art, et je me demande combien de gens aujourd’hui, ont encore les cojones de faire ce type de choix?
Ce matin j’ai fait du shopping sur la Kalverstraat! Je me suis vue dévaliser le rayon accessoires du magasin le plus inventif, débridé et loufoque de ma connaissance! Et hop direction mon observatoire préféré! Damstraat centrum! Bob est là! Joliment entouré le zoizo! Il ne m’a pas vue, ils ont l’air de se bidonner, et je comprends, vu les deux bouteilles de champs sur la table… discrètement je me glisse à une place vide! J’aime installer des routines lors de mes voyages, faire comme si j’étais un peu chez moi! J’aime qu’on me reconnaisse, qu’on me souhaite la bienvenue, qu’on me demande si ma journée a été bonne! Être comme chez soi à l’étranger, c’est le luxe que je me paye à chaque fois que je prends l’avion en solo! En général ce sont des endroits pas très en vue! Mais là, je fais une exception! Les gens sont passionnants à observer! Et comme j’écris mon texte sur mon téléphone portable, ils ne se doutent de rien! Je ne sortirai mon très encombrant appareil photo qu’au moment de partir!
Uniquement à Amsterdam
– Visiter coûte que coûte le Musée Van Gogh.
– Se promener le long des canaux…
– Goûter aux fromages, tous les fromages…
– Rencontrer les locaux, ils sont gentils, et bons buveurs!
– Visiter la maison d’Anne Frank
Ne pas commettre à Amsterdam
– Chercher de la bouffe locale, contentez-vous du fromage!
– Tenter de lire les panneaux, ou tenter de s’en souvenir!
– Griller la priorité aux vélos… Bonne chance!
– Essayer des sabots…
– S’habiller léger…
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